Militant politique actif depuis 51 ans, avec quelques courtes pauses, j’ai vécu 5 fusions-fondations dont 2 partielles et aussi 4 scissions partielles mais politiquement lourdes de sens plus une dissolution-refondation (1990). Et je ne compte pas les tentatives, au départ assez fulgurant, se terminant par un échec : Union dans les luttes pour porter la victoire de Mitterrand en 1981, Arc en ciel, les comités Juquin, Ramulaud.

Je pense que les conditions des réussites comme des échecs sont : la situation économique, sociale et politique de la période, l’avancée de la prise de conscience, la qualité et la sincérité des hommes et des femmes en responsabilité, la résonance de l’utopie proclamée comme espérance positive, mais avant tout ce « temps donné au temps » nécessaire pour amalgamer les différentes composantes, leurs personnalités et leurs valeurs, pour construire ensemble un projet de société articulé sur les programmes concrets de transition, pour vulgariser dans de larges masses l’utopie réaliste commune, en faire une traduction électorale qui a toujours un réel retard

Le cas le plus instructif me semble être celui du PSU qui a eu un nombre considérable d’atouts pour réussir :

  • Un espace politique énorme_à une période où le socialisme de la SFIO était totalement déshonoré par les crimes horribles assumés pendant la guerre d’Algérie (tortures, expédition guerrière contre l’Egypte, guerre du canal de Suez) - un PC qui commençait à être discrédité par son stalinisme revendiqué (affaire de la Hongrie) – un trotskisme marginal et divisé.
  • Une véritable unification entre des socialismes ayant rompu avec Guy Mollet, des communistes dissidents, des radicaux de gauche avec le populaire Mendès France qui avait réussi la paix avec l’Indochine, des proches de Léon Trotski ne se reconnaissant pas dans les groupuscules sectaires, des chrétiens de gauche venus de la mouvance du Sillon et de la résistance, qui apportaient une forte base ouvrière et les prémices de l’écologie, membres fort souvent de la CGT. Le U de parti socialiste unifié était une véritable réalité concrète!
  • Unité donc entre des forces politiques qui s’étaient ignorées voire combattues pendant la guerre froide, entre chrétiens et athés souvent francs-maçons, entre ouvriers, techniciens et intellectuels de grande valeur comme Serge Mallet ou Pierre Naville, entre syndicalistes des différentes confédérations, entre militants de terrain et élus respectés (pas très nombreux, comparable avec les Verts de 2008)
  • Unité par la volonté d’en finir avec la guerre d’Algérie et ses tortures. Ce ciment là était un puissant élément d’unification, comme la volonté d’en finir avec les tares caricaturales des vieux partis de la gauche de l’époque. Le PSU pouvait rêver de les surclasser et de devenir le pôle central de la gauche, par la qualité de ses analyses, comme par la vitalité de ses militants. Il dépassa les 15 000 adhérents 3 fois dans son histoire, en 1960 à sa fondation et après 1968 car son rôle important dans les événements lui permit de doubler ses effectifs après la crise provoquée par la montée en puissance de François Mitterrand. Michel Rocard fut même élu député des Yvelines contre l’ancien Premier ministre Couve de Murville
  • Le PSU est reconnu comme laboratoire d’idées qui ont été mises en œuvre plus tard comme le « décoloniser la province » de Mendés et Rocard en 1967 (repris par Defferre en 1981) les énormes plans Alter élaborés en Bretagne et ailleurs (plan d’énergies alternatives au pétrole et au nucléaire, pas encore réellement mis en œuvre). Laboratoire d’idées par la qualité de ses analyses sur la paysannerie, les nouvelles classes sociales, l’autogestion et l’expérimentation des Lip, le « cadre de vie », racine de l’écologie, __le féminisme, l’enseignement qui le vit à l’aise et même aux commandes en mai 68 avec l’UNEF

Alors, pourquoi l’échec du PSU et la « dissolution-refondation » 30 ans après sa naissance ?

  • Il a injustement souffert de l’image du parti des 7 tendances et de la violence des affrontements. En réalité il y avait vraiment 2 orientations : celle de la construction d’une force moderne et autonome par rapport à la vieille gauche, celle de l’union de la gauche scellant la réconciliation des frères ennemis socialiste et communiste qui passait par le soutien à Mitterrand et l’entrée dans la FGDS, Fédération de la gauche socialiste. L’histoire ne se répète t’elle pas un peu ? L’autonomie gagna au congrès de 1967 et Rocard devint secrétaire national avant de basculer lui même en 1974
  • Plusieurs historiens pensent que le PSU a manqué de temps pour asseoir son existence. Les communistes et les socialistes ont plus de 100 années d’existence. D’ailleurs la naissance des forces qui allaient se regrouper par étapes successives pour aboutir au PSU en 1960 s’étale sur environ 5 années ! Mitterrand mit 11 ans avant de devenir en 1971 Premier secrétaire du PS et encore 20 ans avant de devenir Président de la République

Mes conclusions pour la période actuelle__

  • Les crises financières, économiques, alimentaires, sociales, environnementales ont-elles vraiment provoqué une prise de conscience de la responsabilité globale du système capitaliste ?
  • La prise de conscience sur les impasses environnementales et les menaces sur la planète avance, elle !
  • L’éventail des forces représentées dans Europe Ecologie depuis Greenpeace, les proches de Hulot, la confédération paysanne jusqu’à des alternatifs en n'oubliant pas le moteur Vert , éventail symbolisé par des femmes et des hommes de qualité depuis Eva Joly jusqu’à José Bové, Jadot et Daniel Cohn Bendit est un atout certain et un bel espoir

Mais donnons du temps au temps. Il faut d’abord réussir l’élection européenne. Ensuite la construction nécessaire d’une grande force écologiste demandera beaucoup de travail, de patience, d’enthousiasme pour remplir les conditions nécessaires dont j’ai parlé plus haut. Le contraire du big bang dont a parlé l’ami Denis Baupin