Le PSU démontre le premier novembre 1961 qu’il est possible de « tenir la rue » pendant un bon moment malgré l’interdiction et les menaces de poursuites, sans prendre de gros risques.

La manifestation PSU de la place Clichy est une ébauche de réponse au massacre des travailleurs algériens le 17 octobre 1961. Le nombre de manifestants pacifiques, jetés dans la Seine ou tués dans la rue, oscille suivant les sources entre plusieurs dizaines et plusieurs centaines. Chaque année une cérémonie du souvenir est organisée le 17 octobre au pont Saint Michel.

Marc Heurgon, dans son livre : « Histoire du PSU », raconte de façon très vivante l’un de mes meilleurs souvenirs de militant (joie du bon tour joué à la police, joie de l’action menée avec une parfaite organisation, joie de la cohérence politique). « En cet après-midi férié de la Toussaint, il y a beaucoup de monde dans les rues ; place Clichy, les queues s’allongent devant les cinémas. Il est un peu plus de 16 heures lorsque le cri « Paix avec l’Algérie » retentit, aussitôt repris par des centaines de « promeneurs ». On court de tous côtés vers le centre de la place où l’on hisse Depreux sur le socle de la statue du maréchal Moncey. On ne comprend que quelques mots lorsqu’il appelle à la mobilisation contre « ce régime qui tolère la renaissance du racisme ». Déjà un cortège s’est formé qui s‘engage sur le boulevard de Clichy, tandis qu’un service d’ordre efficace fait ranger les voitures et dégage la voie. En tête, au coude à coude, les membres du bureau national et des directions parisiennes, suivis par plusieurs centaines de militants…. Sur les trottoirs, quelques journalistes discrètement prévenus et une foule nombreuse, étonnée, certainement pas hostile. Tout le long du parcours, des militants distribuent des tracts multicolores sur les tergiversations de De Gaulle. Pas un policier sauf, là-haut, l’hélicoptère d’observation ; les forces répressives ne vont pas tarder à arriver, mais trop tard, car place Blanche la dispersion s’est opérée, les manifestants se sont dilués dans les rues avoisinantes et, lorsqu’ils descendront des cars, les policiers ne pourront que se faire la main que sur quelques badauds éberlués.

Une demi-heure plus tard, boulevard Poissonnière, nouvel attroupement autour de quelques militants ; sortant de la foule qui faisait queue devant le Rex, Depreux dépose quelques roses rouges sur le trottoir, là où, le 17 octobre, deux Algériens ont été abattus : « Le PSU à ceux qui sont morts pour leur liberté. »….

La direction du PSU utilise à cette occasion des méthodes inspirées par ses Résistants de la guerre de 1939 dont Alain Savary : fausses informations répandues pour tromper la police (Depreux avait fait courir le bruit que la manifestation se tiendrait sur les grands boulevards), lieu de rassemblement décidé seulement vers 14 heures par Alain Savary et Jean Arthuys, rendez-vous secondaires différents à 15 heures pour les sections, informées sur le rendez-vous final au dernier moment par 2 de leurs adhérents qui ont eu l’ordre de rester constamment ensemble, pour ne prendre aucun risque de fuite d’information.

Ce n’est qu’une première étape vers des manifestations de plus grande ampleur qui se multiplieront, soumises aux charges de la police… dans lesquelles le PC tardera à s’impliquer. Il le fera sous la pression de ses jeunes et ce sont 8 militants communistes qui seront tués au métro Charonne.