• Le voyage est long et enfin nous voici à la frontière ; le train s’arrête longtemps pour des ajustements techniques. Curieux, nous sommes aux fenêtres des wagons mais il nous est interdit de faire des photos ; des soldats soviétiques sont postés devant chaque fenêtre, encadrés par des officiers ; la plupart tanguent en marchant, manifestement ivres ; aucun officier ne réagit ! Quelques jours après à Moscou, pour montrer la puissance et la modernité du pays les organisateurs nous font visiter une usine ultramoderne, une centrale électrique ; mais, à l’entrée trônent deux panneaux symétriques : l’un à la gloire des ouvriers stakhanovistes, le second pour ridiculiser les ouvriers alcooliques. Publicité un peu ratée ! Le communisme ne semble pas avoir résolu le problème de l’alcoolisme !
  • Mais le régime soviétique semble avoir un bilan positif dans les domaines de l’éducation et de la culture. Les disques de musique classique ou folklorique sont d’un prix très modeste et je me souviens d’un homme assis sur un banc d’un parc lisant un livre alors que le froid est sibérien ! L’université de Moscou est immense mais que l’urbanisme stalinien est laid par son côté gigantesque, massif !
  • Les transports en commun sont un lieu de paradoxes. Dans les bus les passagers prennent eux-même leurs tickets et déposent l’argent dans une boite située à l’entrée et personne ne semble tricher ; c’est bizarre pour un Français et les Soviétiques semblent de bons citoyens. Mais dans le train qui nous emmène de Moscou à Leningrad nous constatons qu’il y a trois classes pour les voyageurs, c’est curieux pour un pays communiste ! Les voitures souvent somptueuses semblent réservées à des catégories privilégiées,
  • Une grande surprise domine nos discussions avec les femmes et les hommes soviétiques qui nous encadrent et nous guident : nous voulons discuter de théorie sur le communisme (plusieurs de mes camarades sont membre du PC français). Impossible ! Le seul sujet possible « quand et comment le pays va rattraper les Etats-Unis » ; la France n’intéresse pas beaucoup mais De Gaulle est un grand homme (cela laisse sans voix mes camarades communistes et moi-même). Nous sommes soumis à une demande pressante de don ou d’échange pour nos crayons Bic ou nos vêtements en nylon et je me souviens de camarades qui ont échangé leurs slips sales ! Fascination pour la société occidentale et capitaliste !
  • Les églises sont toutes fermées mais on voit des personnes se signer furtivement devant ces monuments ; donc nous avons interrogé nos accompagnateurs sur la persistance du sentiment religieux après 40 années de communisme. Réponse « c’est l’influence des babouchkas (les grand-mères) ». Je n’ai pas visité le musée de l’athéisme de Leningrad qui attaquait beaucoup la papauté en particulier sur son attitude par rapport au nazisme et sur la question des richesses. Nous avons été surpris par le discours officiel sur les questions de sexualité : bien évidemment la prostitution n’existe pas en Union soviétique mais de plus les rapports sexuels n’existent pas avant le mariage et la masturbation non plus (je me souviens bien de ces affirmations !)
  • Le Kremlin est magnifique avec son enceinte et ses églises orthodoxes à bulbes colorés et l’immense place rouge est fascinante. Nous avons visité le mausolée ; on nous a permis de passer avant la foule des visiteurs qui faisaient une queue de plusieurs kilomètres Nous avons vu Lénine mais aussi Staline qui y était encore et avait le visage d’un vieux grand-père souriant, doux, paisible ! Leningrad est une ville plus proche des villes françaises ou italiennes et je garde un souvenir précis de l’immense Néva charriant d’énormes glaçons ; le froid était terrible.
  • Avec l’ami Stéphane Sitbon-Gomez, dans notre livre « Mon PSU », nous n’avons pas parlé de ce voyage sur lequel je n’avais rien écrit alors ni de la guerre froide de l’époque. Pourtant l’URSS a fortement pesé sur la politique intérieure française par ses liens étroits avec le PCF et parce que De Gaulle était pour les Soviétiques un personnage intéressant à cause des distances qu’il avait prises avec le Pacte atlantique. J’ai voulu voir ce pays qui était le modèle de nos « camarades » communistes.