• Parmi les nombreux syndicats de cette Fédération, trois sont importants : le SNI (Syndicat National des Instituteurs) sera pendant des décennies contrôlé par le parti socialiste – le SNES Sup (Syndicat National de l’Enseignement Supérieur) jouera un rôle important en 1968 - le SNES (Syndicat National de l’Enseignement Secondaire) sera, lui, dirigé de fait par les communistes à travers la tendance Unité et Action. C’est au SNES que je militerai depuis mes débuts de prof. en 1954 jusqu’en 1980, au niveau local et même au niveau national entre mai 1969 et mai1971
  • Les tendances officiellement organisées sont :
  • - Unité et Action (à hégémonie PC au niveau de la direction),
  • - Indépendance et Démocratie (à dominante socialiste),
  • - FUO (Front Unique Ouvrier, tendance des trotskistes lambertistes, fortement implantés par ailleurs dans FO, et qui font moins de 1% à chaque élection présidentielle, avec des sigles sans cesse renouvelés)
  • - Ecole Emancipée (constituée de militants de la pédagogie Freinet, par ailleurs membres du PSU, de la LCR ou libertaires)
  • Pour sortir de la sclérose liée à ces luttes de clans figés et impulser une réflexion de fond sur l’Ecole, le PSU, en 1968, sous l’impulsion de Robert Chapuis, bras droit de Michel Rocard, impulse une cinquième structure Rénovation Syndicale. Il s’agissait d’assumer les acquis de mai 68, d’ouvrir le monde scolaire sur le monde extérieur. J’ai régulièrement participé aux réunions hebdomadaires des animateurs de ce groupe : le philosophe Guy Coq, connu actuellement pour ses travaux sur la laïcité, l’ancien communiste « italien » Jean-Claude Guérin, Patrick Viveret, … L’initiative correspondait à une véritable attente ; en février 1969 nous avons obtenu 12% des voix et je me suis retrouvé élu à la commission administrative de la section académique de Paris du SNES (S3), puis en mai 1969 au parlement national du syndicat (le S4). Avec 6,27% des suffrages exprimés nous avions eu 4 élus ; j’y ai siégé jusqu’à mai 1971. Rénovation Syndicale a publié régulièrement des petites brochures, organisé des stages en été ; elle a travaillé en étroite collaboration avec l’Ecole Emancipée et créé le GEDREM (Groupe d’Etude, de Défense et de Rénovation de l’Ecole Maternelle) dont les travaux ont été particulièrement progressistes ; il a sorti 34 numéros de la brochure « Petite enfance » entre septembre 1972 et novembre 1978.
  • Quelques anecdotes amusantes. J’ai entendu Jean-Jacques Marie, leader du FUO, défendre avec flamme la dissertation littéraire et aussi l’agrégation comme des conquêtes de…la classe ouvrière ! J’ai vu l’Ecole Emancipée prouver que la direction syndicale avait utilisé les étiquettes de son fichier pour envoyer des documents de propagande de Jacques Duclos, candidat PC à l’élection présidentielle de 1969. Mais mon souvenir le plus marquant est lié à un débat que j’ai soulevé au S4 (parlement national du SNES) à propos de la division en catégories. L’enseignement secondaire est fortement hiérarchisé, tant au niveau des salaires que pour le nombre d’heures de service hebdomadaire dues dans l’établissement : professeurs certifiés (18 h de service), agrégés (15 h), professeurs des classes préparatoires aux grandes écoles (entre 9 et 12 h). Ces divisions se prolongent parfois dans la vie quotidienne des salles des professeurs ou à la cantine, avec des tables différentes pour les agrégés, pour les certifiés, pour les surveillants et le personnel administratif. Dans cette période d’après 68 le gouvernement décide de créer une nouvelle catégorie, celle des professeurs de chaire supérieure pour les profs de classes préparatoires. Elle leur permettra d’accéder aux échelles lettres de la fonction publique comme les grands commis de l’état. Ils bénéficieront donc de salaires très importants. Il s’agissait de garder dans les lycées les scientifiques tentés par de bons salaires dans l’industrie. Cette création d’une nouvelle division me semble fort dangereuse pour l’unité du corps enseignant et je suis persuadé que la proposition de lutte contre ce projet que je fais lors d’une réunion de l’instance nationale du SNES fera l’unanimité. Et … stupéfaction ! Cette idée est rejetée par mes camarades communistes qui osent dire : « C’est très bien cette augmentation de salaires ; peu à peu nous obtiendrons l’alignement pour tous les agrégés ! » Vous devinez que cela ne s’est pas produit et que le fossé avec les autres catégories ne s’est pas réduit. Le SNES voulait conserver cette « clientèle » bien qu’elle soit peu nombreuse en réalité à l’époque. Dans la réalité, ces enseignants sont très efficacement défendus par leurs associations catégorielles dont les divisions sont caricaturales. La plus « noble » association est l’UPS (Union des Professeurs de Spéciales) réservée aux professeurs de mathématiques ou de physique. Comme elle n’a pas voulu accueillir les professeurs agrégés de mécanique-technologie !!, ceux-ci ont créé l’UPSTI (Union des Professeurs de Spéciales des Techniques de l’Ingénieur). Les professeurs de lettres en khâgne ont leur propre association ainsi que les professeurs de langues ! Restent syndiqués les enseignants de cette catégorie qui ont une forte conscience politique et un réel souci de solidarité. Ces divisions catégorielles un peu sectaires entre des personnes fort intelligentes est assez stupéfiante et c’est un exemple de la question de « l’identité »
  • Au lycée Chaptal, catalogué comme « lycée rouge » après 1968, j’ai été secrétaire de la section syndicale du SNES (S1). Les réunions qui rassemblaient une bonne quarantaine de syndiqué(e)s étaient en général tendues entre militants du mouvement de mai 68 et les militants communistes. Ces derniers, minoritaires, demandaient souvent des votes dans une urne à bulletins secrets pour obtenir le soutien du « marais » et des syndiqués de droite. Cela n’a pas fonctionné jusqu’à l’épisode du conseil de discipline dans lequel j’ai été avocat des élèves maoïstes ; ils ont pu alors persuader quelques collègues que mon action était plus politique que syndicale et nous avons perdu la majorité !
  • La lutte féroce entre communistes et socialistes pour la conquête de la direction de la FEN, ajoutée au corporatisme du SNES m’a conduit en 1980 à passer au SGEN-CFDT, plus faible mais plus progressiste sur les problèmes de fond et par ailleurs lié à une confédération ouvrière, autogestionnaire et, qui plus est, antinucléaire. La lutte entre socialistes et communistes pour le contrôle de la FEN conduira finalement à une scission en 1982