• Janvier 1956 : victoire du Front Républicain : pour les élections législatives, la SFIO (dirigée par Guy Mollet), les radicaux-socialistes dirigés par Pierre Mendés France (PMF), l’UDSR dirigée par François Mitterrand et quelques gaullistes sociaux comme Jacques Chaban-Delmas ont formé le Front Républicain. Cette alliance de centre gauche a gagné de peu. Le mandat donné par les électeurs est clairement de faire la paix avec l’Algérie. La plupart des électeurs du Front Républicain souhaitent voir, au poste de Président du Conseil des ministres, PMF qui a su finir la guerre d’Indochine. Beaucoup ont voté socialiste car c’est la composante la plus à gauche de cette coalition, en principe au moins. Personnellement, je l’ai fait également, après bien des hésitations, tellement j’avais été enthousiasmé par Mendès ; mais je détestais le clientélisme radical-socialiste observé en Creuse.
  • C’est le socialiste Guy Mollet qui est nommé Président du Conseil des ministres par le président Coty qui plaide que c’est la SFIO qui obtient le plus de députés (Pourquoi diable ai-je voté socialiste à cette époque?).Guy Mollet est secrétaire national de la SFIO depuis le congrès de 1946. Il a gagné ce congrès en se situant sur des positions très radicales, très « à gauche » face à Daniel Mayer qui cofondera le PSU ; il gardera ce poste jusqu’en 1969.
  • Il nomme le général Georges Catroux « ministre-résidant » en Algérie. Les « Français d’Algérie, dits Pieds-Noirs » sont déchaînés car le sortant Soustelle était un fervent partisan de l’Algérie française. Lorsque le 6 février 1956 Guy Mollet vient à Alger, il est accueilli par des insultes et on lui jette des tomates. Il cède et remplace Catroux le libéral par Robert Lacoste( qui se révélera particulièrement répressif vis à vis des Algériens). La ligne politique change ainsi totalement.. Le 12 mars 1956, Mollet obtient de l’Assemblée nationale, avec les voix du parti communiste, les pouvoirs spéciaux, ce qui, de fait, supprime les garanties sur les libertés démocratiques en Algérie. Les tortures vont se développer, comme les assassinats de prisonniers du FLN algérien dans ces fameuses « corvées de bois » (on envoie les prisonniers chercher du bois et, dehors, on les tue en déclarant qu’ils ont voulu s’enfuir). Le 11 avril 1956, il porte le service militaire des appelés à 27 mois, rappelle le contingent de jeunes qui avaient fini leur temps de service et vont faire plusieurs mois supplémentaires. La guerre va continuer de façon horrible, politique si inadmissible que Mendés France démissionne du gouvernement le 23 mai 1956.
  • Le 22 octobre 1956, le gouvernement Mollet organise le détournement sur Alger de l’avion marocain DC-3 de Air Atlas qui transporte cinq chefs historiques du FLN algérien dont Ben Bella (futur président de la république indépendante). Ils seront bien entendu emprisonnés (avec quel argument juridiquement indiscutable?) Cette opération ne sera guère appréciée par le gouvernement marocain. C’est avec ces cinq dirigeants que le général De Gaulle, en 1962, négociera les accords d’Evian mettant fin à la guerre.
  • L’Egypte est, pour le gouvernement français, coupable d’aider les rebelles algériens, de leur fournir des armes. Nasser vient de nationaliser le canal de Suez, propriété franco-britannique. Magnifique prétexte pour une opération militaire organisée avec le Royaume-Uni et Israël. Le 2 novembre 1956, les parachutistes français occupent facilement la zone du canal. Ce gouvernement socialiste mène donc une guerre qui menace la paix mondiale !! Ce sont l’Union soviétique et les Etats-Unis, malgré la guerre froide entre ces deux pays, qui s’allient pour mettre fin à cette aventure Dès le 6 novembre les troupes reviennent au bercail. ''Le ridicule s’ajoute à l’inadmissible !''
  • Le FLN continue à résister à la puissante armée française (600 000 soldats en septembre 1956) et à faire des attentats. Le 7 janvier 1957 le gouvernement donne les pleins pouvoirs au général Massu pour mener la terrible « bataille d’Alger ». Les tortures à l’électricité, avec la fameuse « gégène », le supplice de la baignoire, les pendaisons par les pieds deviennent systématiques. De nombreux amis, soldats en Algérie ont vu des choses horribles sans pouvoir les empêcher. Ils ont mis des années avant de pouvoir en parler ! Merci, Monsieur Mollet, d’avoir traumatisé pour si longtemps presque toute une génération de Français ! Et que dire des souffrances de toutes natures (destructions, tortures, viols, assassinats) infligées au peuple algérien ! Elles continueront d’ailleurs après la démission de Mollet et l’arrivée du général De Gaulle.
  • Le 13 mai 1958 un putsch se produit à Alger conduit par Lagaillarde et quelques généraux qui occupent le Gouvernement Général de Robert Lacoste. Un Comité de Salut Public est constitué avec les chefs de l’armée, présidé par le général Massu qui exige un gouvernement de Salut Public à Paris. Nos responsables politiques, paniqués, ne voient qu’une solution : le recours au Sauveur suprême, le général De Gaulle. Ils vont le supplier à Colombey. Guy Mollet sera même ministre d’état du général entre le 14 juin 1958 et le 8 janvier 1959.
  • L’humiliation de voir leur secrétaire national obligé de recourir à l’adversaire politique pour sortir de l’impasse algérienne est la goutte de trop qui fait déborder le vase et conduit plusieurs milliers de socialistes à faire scission et à créer le PSA, parti socialiste autonome, qui deviendra le PSU en 1960. On peut citer Daniel Mayer, Edouard Depreux, Alain Savary et le jeune Michel Rocard.
  • Le déshonneur de cette politique pèsera plus de vingt années sur l’image du parti socialiste et ouvre au PSU sa première fenêtre historique.
  • Ma révolte de l’époque persiste tellement aujourd’hui que j’ai failli oublier que Guy Mollet avait quand même fait voter la troisième semaine de congés payés et aussi les deux traités de Rome qui symboliseront, lors de leur ratification le premier janvier1958, l’ébauche de l’Union européenne, l’Europe des Six.. Les traités du 25 mars 1957 fondent la Communauté économique européenne (CEE) et la communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom).

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