Stéphane Sitbon : Avec le recul de deux décennies quel est pour toi le bilan des 30 années d’existence du PSU, quelles traces laisse-t-il ? . Quel héritage ?

  • Un rassemblement réussi (mais fragile) : Le PSU a réussi à rassembler, lors de sa naissance, des militants de quatre forces qui, pourtant, se détestaient ou s’ignoraient (socialistes, communistes, trotskistes, chrétiens de gauche)! Fort de cette diversité il a beaucoup construit pour la suite.
  • Des expérimentations de désobéissances civiques : Le débat PSU sur l’insoumission des appelés qui refusent d’aller défendre l’Algérie française, le manifeste des 121, mais aussi, plus tard, la lutte des Comités de soldats pour le droit aux syndicats dans l’armée ont pu éclairer des actions citoyennes ultérieures!
  • C’est en réalité le père de l’écologie politique,* même s’il n’a pas inventé ce vocable : L’histoire du PSU est celle des racines de cette thématique qui s’appelait alors « cadre de vie », « vivre, produire, travailler autrement ». Celle également du refus du nucléaire civil comme du nucléaire militaire (avec le MCAA, Mouvement Contre l’Armement Atomique de Claude Bourdet), la marche contre la centrale de Nogent sur Seine ou la lutte contre celle de Plogoff. L’énorme Projet Alter breton pour l’autonomie énergétique de la Bretagne a été repris par l’Union Démocratique Bretonne et Europe Ecologie Les Verts.
  • C’est lui qui a osé mettre en cause le centralisme jacobin de la France: Le livre « Décoloniser la province » de 1967 prépare la loi de décentralisation dite PLM (Paris Lyon Marseille) initiée par Defferre en 1981 et souligne l’éclosion des mouvements régionalistes. Il a soutenu l’expérimentation concrète de la mairie de Louviers. Les textes sur le Contrôle ouvrier, l’autogestion, la lutte des Lip sont des outils sur la démocratie dans l’entreprise que nous devrions revisiter.
  • C’est un pionnier des combats sur l’égalité des droits pour les immigrés, à travers la revendication de la Carte unique de dix ans lancée par la Commission immigrés du PSU et obtenue en 1981 grâce au lien avec le mouvement social de la Marche pour l’égalité et contre le racisme. Et son rôle dans la revendication du droit de vote des résidents étrangers.
  • Ce fut l’un des acteurs des mutations du féminisme : Les nombreuses luttes de militantes de la période PSU, les livres édités par Syros (« Pas d’histoire, les femmes » d’Huguette Bouchardeau, « Lip au féminin », « 18 millions de bonnes à tout faire », etc.) peuvent donner des éclairages utiles.
  • Sa théorisation et sa pratique des rapports partis-syndicats mériteraient d’être plus connue. L’analyse des rapports très originaux entre le PSU et la CFDT de la grande époque (entre sa création en 1964 et la récupération PS è travers les Assises du Socialisme de 1974) est peu connue et serait instructive, comme le seraient les rapports PSU-syndicats en mai 68 puis dans la lutte des Lip, mais aussi les thèses du « Mouvement politique de masse » ou les « assemblées ouvrières et paysannes » impulsées par les courants maoïstes du PSU.
  • De même que sur les questions d’éducation et de formation . Le PSU a cherché à secouer les vieilles habitudes de la FEN (Fédération de l’Education Nationale), en créant Rénovation syndicale. Ses militants ont été particulièrement actifs dans le SGEN-CFDT. Le PSU a joué un rôle important dans la création du Gedrem (Groupe d’Etude, de Défense et de Rénovation de l’Ecole Maternelle), et soutenu l’innovation révolutionnaire de l’école Vitruve du 20e arrondissement de Paris.
  • Enfin son apport à la réflexion sur l’autogestion mériterait d’être revisité, comme sa tentative de synthèse entre Utopie et Réalisme. La plupart des observateurs reconnaissent son rôle de laboratoire d’idées et de luttes.

Il a par ailleurs formé un nombre important de femmes et d’hommes qui sont devenus des cadres du parti socialiste, d’Europe Ecologie Les Verts, des Alternatifs