• Dans ces classes scientifiques, les traditions assez hiérarchiques étaient alors bien ancrées. Ainsi, dans notre numérotation traditionnelle d’élèves de ces classes baptisées « taupes » depuis 1841, la première année post baccalauréat, mathématiques supérieures appelée hypotaupe donc sus-taupe, ne comptait que pour une demi-unité alors que la suivante « maths-spé » comptait vraiment pour une unité; donc j’ai été successivement 1/2 à Saint Louis en maths sup, puis 3/2 et 5/2 à Henri IV. A Saint Louis la fin des cours et la montée des internes dans leurs dortoirs étaient signalées par un roulement de tambour et la discipline était « napoléonienne » (courir dans un couloir était sanctionné par une privation de sortie le dimanche ! Ce fut pour moi une année terrible et j’avais pourtant le vécu de 7 années d’internat au lycée de Guéret)
  • En taupe, un « chef de classe » était baptisé Z comme la dernière lettre de l’alphabet supposée dominante. Celui d’Henri IV avait un vélo de course qu’il me vendit à la fin de l’année scolaire ; il fut payé avec mon argent de poche ; du coup je ne pus prendre le train et je fis les 360 km Paris-Creuse en vélo : 2 jours avec nuit sur une banquette de la gare de Vierzon ! A l’arrivée le postérieur était plus « fatigué » que les jambes car la selle était fort dure !
  • En taupe, je fus PDM, préfet des mœurs, et je regarde un vieux souvenir de l’époque : mon calot, analogue à celui de l’armée, avec une petite feuille de vigne, un petit parapluie, une abeille, un X, nom de ces classes, les lettres BAZ H IV, 5 étoiles comme 5/2. Mon voisin de lit dans le grand dortoir des internes, Guy Béart, était alors SO, satire officiel ; ses premières chansons relèvent un peu de cet état d’esprit potache; il fut reçu à l’école des Ponts et Chaussées et je l’ai revu à la fin de l’un de ses concerts Le climat étai beaucoup plus détendu et nous pouvions faire la Mouf ! un « chef de classe » était baptisé Z comme la dernière lettre de l’alphabet supposée dominante ; il avait un vélo de course qu’il me vendit à la fin de l’année scolaire payé avec mon argent de poche ; du coup je ne pus prendre le train et je fis les 360 km Paris-Creuse en vélo : 2 jours avec nuit sur une banquette dr la gare de Vierzon. A l'arrivée mon postérieur était plus "fatigué" que mes jambes !
  • Le bizutage des 3/2 était plutôt drôle et sans méchanceté. Voici un exemple dont je garde le souvenir : le bizut, avec les yeux bandés, devait monter sur une grande planche à dessin ; quatre anciens se plaçaient aux quatre coins de la planche et donnaient l’impression que la planche et son étudiant montaient péniblement vers le plafond ; puis un copain touchait le haut de sa tête avec un carton lui donnant l’impression qu’il atteignait le plafond et le groupe criait « saute bizuth» ; le bizuth prenait son élan en pliant les jambes comme quelqu’un qui va tomber de 2 mètres alors qu’il était à 50 cm ; le saut devenait grotesque et le groupe riait bien aux dépens du bizuth. Un autre exemple, plus mathématique, de mise à l’épreuve au tableau noir : le bizut devait calculer combien donne le produit (x-a) (x-b)…jusqu’à la dernière lettre de l’alphabet ; le piège étant que, dans ce produit, il y a évidemment vers la fin de l’alphabet x-x=0 donc le résultat est 0 ! Cette intégration dans les traditions prenait fin officiellement début décembre lors de la sainte Barbe, fête des pompiers, artilleurs, mineurs, etc… ; je me souviens très bien de cette journée, baptisée « inversion » où les bizuts devenaient anciens et que les profs acceptaient plus ou moins : nous nous sommes assis sur des chaises renversées donc sur le dessous du siège habituel et en regardant le fond de la classe et pas le tableau pendant qu’un élève au tableau faisait des opérations mathématiques absurdes, etc.
  • Dans la classe préparatoire à l’école militaire de Saint Cyr, le bizutage était bien plus stupide, comme faire des pompes sur les emplacements des pieds dans les waters et les anciens tiraient la chasse d’eau arrosant la figure de leur camarade !
  • Il s’appelait « usinage » et était gravement dangereux et stupide dans les écoles d’ingénieurs Arts et métiers comme je l’ai découvert 1O ans plus tard lorsque j’ai enseigné dans une classe préparatoire. Un accident mortel a même eu lieu à l’école de Chalons sur l’autoroute où l’étudiant a été fauché. Les élèves reçus au concours devaient passer leurs vacances à remplir un cahier en écriture gothique ; et plus grave le premier trimestre était épuisant pour les nouveaux venus à cause des humiliations et brimades qui les empêchaient régulièrement de dormir ; plusieurs de mes anciens élèves ont failli démissionner et quelques autres ont refusé de se plier au système mais ont été placés en marge pendant toute leur vie à l’école, n’ayant pas les polycopiés rédigés par la communauté, ne bénéficiant pas ensuite de la force d’insertion constituée par l’association des anciens élèves, une véritable franc maçonnerie !
  • La loi de 1998 interdit les bizutages mais ils existent encore plus ou moins. Ce qui est un peu triste c’est que la grande masse des étudiants acceptait ce système et même les plus intelligents voire les plus politisés ! Il est vrai qu’il faut un énorme courage pour résister à la grande masse de la communauté où l’on vit!